Un bassin filtrant innovant pour des gains de productivité… et de nouveaux marchés!

Mobilisés autour d’une solution novatrice de filtration de coulée, le CRDA et différents groupes de l’usine d’Alma – services techniques, opérateurs, groupe marketing, direction – ont non seulement résolu un problème de qualité, ils ont ouvert la voie à de nouveaux marchés.
Le problème
En 2021, un constat est fait à l’usine d’Alma. De plus en plus de clients se plaignent d’un problème de casse inclusionnaire. L’affineur de grains est en cause. « Sans entrer dans les détails, il s’agit d’un élément d’alliage qu’on ajoute pendant la coulée et qui est super important pour faire un bon produit. On en retrouve deux grandes familles (TiB et TiC), et Rio Tinto avait opté pour le TiC en raison d’importants bénéfices au niveau opérationnel, que ce soit pour la vitesse de coulée, la productivité, etc. Par contre, plusieurs clients ont remarqué que, lorsqu’ils faisaient la transformation des tiges en fils, il se produisait des casses. Il fallait que l’on comprenne d’où venait le problème », explique Alexandre Maltais, scientifique de recherche au CRDA.
À partir des tiges de 9,5 mm ou 12 mm de diamètre produites à l’usine Alma, les clients les transforment en fils par extrudage ou par tréfilage. Le tréfilage peut prendre une vingtaine d’étapes avant d’en arriver à un fil de 3 mm. Imaginez si vers la fin, il y a cassure : tout le processus est alors à recommencer!
En tréfilage, à chaque étape, on étire la tige pour qu’elle devienne de plus en plus fine. S’il y a des particules étrangères – qu’on appelle des inclusions –, cela crée un point de faiblesse et c’est là qu’une casse peut se produire.
À l’usine, on n’a pas d’autres choix, pour protéger les clients, que de revenir à l’autre type d’affineur de grains, même s’il n’est pas aussi performant. « Que peut-on faire pour avoir le beurre et l’argent du beurre? » image M. Maltais. C’est là qu’on s’est tourné vers le CRDA pour comprendre pourquoi ces inclusions se formaient.
« À travers une série d’expériences, on a pu prouver que ça ne venait pas des fours. Les inclusions étaient quand même importantes, dépassant le millimètre, alors qu’en général, les saletés sont davantage des particules de 20 microns et moins. On a finalement compris qu’il s’agissait de plusieurs petites particules qui s’aggloméraient et s’accumulaient dans le système de contrôle de niveau de métal, près de la machine de coulée », précise M. Maltais.
La solution
Une fois le problème détecté, comment le prévenir? C’est là que l’usine Alma a été innovante dans son approche en misant sur un système de bassin filtrant installé juste avant la machine de coulée. Les inclusions étant plus lourdes que le métal liquide, le système de filtration a été conçu de façon à décanter ces particules sans qu’elles soient entraînées dans le procédé.
Au lieu d’aller vers la solution qui semblait évidente – installer un filtre en choisissant parmi les technologies connues – on a décidé de miser sur la R&D pour créer une solution vraiment adaptée. Le dispositif est tellement révolutionnaire qu’on est actuellement en processus de brevet.
Après des essais en laboratoire, un premier prototype a été mis à l’essai dans l’usine. Après une vingtaine d’itérations au bassin, la technologie est maintenant pleinement fonctionnelle. Et les résultats sont impressionnants.
Le gain de cette initiative est d’environ 5000mT/an avec une prime de 450$USD/mT. On parle donc d’un gain annuel de 2,25M$USD/an. C’est majeur!
Surtout, les clients sont ravis. Et d’autres pourraient l’être bientôt… « On s’est dit que si on était bon pour du fil à haute tension de 3 millimètres, on pourrait aussi l’être pour du fil encore plus petit, de l’ordre de 0,3 mm, comme on utilise dans le secteur automobile. On est actuellement en processus de qualification; jusqu’ici, les échantillons qu’on a envoyés semblent satisfaire cette clientèle. » À suivre, donc!
Les clés du succès
Du constat à l’implantation finale du bassin filtrant, il ne s’est écoulé que quelques années. C’est peu pour un dispositif qui n’existait pas alors sur le marché et qui fut développé sur mesure aux besoins de Rio Tinto.
« Ç’a vraiment été un beau travail d’équipe entre les opérateurs, le groupe technique, l’équipe commerciale et le centre de recherche. Tout le monde s’est mis au travail, le fournisseur aussi (pour la réalisation du dispositif). S’il y avait des difficultés opérationnelles, les opérateurs trouvaient des solutions. En fait, chaque partie prenante a travaillé à optimiser l’efficacité du système. »
Le groupe marketing s’est quant à lui occupé de rétablir la confiance avec les clients, au début rébarbatifs au changement. Il fallait bien transmettre l’information, et d’échantillon en échantillon, démontrer la qualité du produit.
Pour tous les intervenants du projet, la clé du succès fut la communication. « Quand tout le monde est bien informé, comprend ce qu’il fait et pourquoi il le fait, il s’engage dans le processus de changement. Il y a vraiment eu une mobilisation de tous les acteurs concernés : ils étaient tous sur la même longueur d’onde et engagés dans la réussite du projet. Ç’a fait toute la différence. Les opérateurs ont été dûment formés, rassurés. On a d’ailleurs veillé à ce que leur travail demeure sécuritaire. Pendant les essais en entreprise, il fallait continuer à livrer la marchandise! Mais tout s’est bien déroulé », fait remarquer Laurent Pilote, ingénieur de procédé au laminoir à l’usine d’Alma.